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SOCIÉTÉ 02/02/2010 À 12H30 (MISE À JOUR À 17H48)

L’université Dauphine explose le prix de ses masters

DÉCRYPTAGE

Les droits d’inscription se montent à 226 euros actuellement. La direction veut les porter jusqu’à 4000 euros par an, selon les revenus de la famille.

 

Par CORDÉLIA BONAL

(© AFP Jacques Demarthon)

Dauphine a de la suite dans les idées. Après avoir tenté sans succès d’augmenter ses frais d’inscriptions il y a deux ans, l’université (Paris IX), réputée pour sa formation en gestion, récidive. Hier lundi, le conseil d’administration a voté les tarifs prévus pour la rentrée 2010 dans certainPar CORDÉLIA BONALs de ses masters, ceux de Gestion et d’Economie internationale et développement (cinq masters 1 sur 17, et 44 spécialités de master 2 sur 88).

L’augmentation est plus que substantielle : au lieu des 226 euros actuellement demandés en master – comme dans n’importe quelle autre université, en vertu du montant fixé par l’Etat chaque année – les étudiants devront payer entre 1500 et 4000 euros par an. La modulation se fera selon les revenus de la famille, selon le modèle institué par Sciences Po Paris en 2003. Les boursiers (15% des étudiants à Dauphine) conservent leur exonération de droit, de même que les handicapés et ceux ayant le statut de réfugié. Les étudiants auront droit à un abattement de 500 euros si sa famille comporte plus d’un enfant étudiant ou si elle réside hors de l’Ile-de-France.

L’université justifie sa réforme par le «coût de la qualit黫Dauphine entend porter la valeur et la notoriété de ses diplômes au meilleur niveau international. A cette fin, elle doit diversifier ses ressources financières.»

Mais a-t-elle bien le droit d’augmenter ses frais à sa guise ? L’université bénéficie d’un statut administratif particulier, celui de «Grand établissement». Comme 17 autres établissements publics orientés sur la recherche, du Collège de France à l’Ecole pratique des hautes études. A ce titre, elle peut sélectionner les étudiants à l’entrée, sur dossier. Elle peut aussi, et c’est là le nœud du problème, créer des «diplômes de grand établissement» (ou diplômes universitaires, les «DU») dont elle peut fixer librement la tarification. Contrairement aux classiques diplômes nationaux dont les frais sont régis par décret.

«Universités de riches»

D’où la tentation de requalifier un diplôme national en diplôme de grand établissement histoire de faire rentrer de l’argent dans les caisses. C’est ce qu’avait tenté le président Laurent Batsch il y a deux ans, pour le cycle de licence. Plantant une belle épine dans le pied de la ministre Valérie Pécresse, qui s’échinait alors à répéter que non, les frais de scolarité à l’université n’augmenteraient pas. La ministre s’était tournée vers le Conseil d’Etat, qui avait tranché : Dauphine ne peut «requalifier à l’identique ou, du moins sans changement substantiel, un diplôme national (…) en diplôme propre, aux seules fins d’échapper à la réglementation des droits d’inscription».

Aussi l’Unef, très mobilisée sur la question des frais d’inscriptions, dénonce-t-elle aujourd’hui une «tentative de coup de force». «Dauphine cherche à s’asseoir sur la décision du Conseil d’Etat et sur la mise en demeure de la ministre, alerte Jean-Baptiste Prévost, président du syndicat. Il y a là un test, qu’il revient à Valérie Pécresse de trancher. Si cette augmentation passe, c’est une brèche qui s’ouvre vers la création d’universités de riches.»

Il n’est pas non plus convaincu par la grille tarifaire. «L’argument de l’exonération pour les boursiers n’est qu’un vernis social: l’objectif étant de dégager des frais, Dauphine n’aura mécaniquement aucun intérêt à augmenter son contingent de boursiers.»

Très critique aussi, le Snesup-FSU (premier syndicat d’enseignants du supérieur), qui s’alarme d’une décision de nature à «creuser les inégalités entre les étudiants et entre les formations». Même le Mouvement des étudiants (Mét), nouvelle organisation issue de l’Uni, y voit une «solution de facilité» qu’il faudrait au moins compenser par la mise en place de bourses au mérite.

Quant à la ministre, elle s’en tient pour l’heure à un commentaire prudent:«Je n’ai pas encore la délibération qui a été prise (lundi soir, ndlr) par le conseil d’administration de Paris-Dauphine, mais en fonction du contenu de cette délibération, je jugerai de sa légalité au regard de l’avis rendu par le conseil d’Etat» début 2008.